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Ambition pour l’avenir, justice pour les infirmières.

Avec 18 millions de consultations annuelles à la demande des élèves, les infirmières de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, seules professionnelles de santé présentes au quotidien dans les établissements scolaires, sont des actrices indispensables de la santé des jeunes. Elles sont les référentes santé de la communauté éducative, conseillères de santé auprès des familles, et expertes en promotion de la santé à l’école, tant individuelle que collective.
Les infirmières sont une chance pour notre école. Elles sont un maillon essentiel d’une politique de santé tournée vers la jeunesse.
Conscients de ces enjeux, plus de 137 sénatrices et sénateurs ont cosigné des amendements visant à reconnaître l’exercice infirmier en milieu scolaire comme une spécialité infirmière à part entière. Le 5 mai dernier, un vote transpartisan, quasi unanime au Sénat, a permis l’adoption d’un article de loi en ce sens. Une mesure attendue depuis 1993 par la profession, par les élèves, les familles, les personnels et les territoires.
Pourtant, les rapporteurs du texte ont affirmé leur intention d’utiliser la Commission Mixte Paritaire pour faire retirer cet article.
Cette démarche constitue à la fois un problème démocratique majeur et une marque évidente de mépris à l’égard de notre profession. Car dans les faits, l’infirmière scolaire exerce déjà une spécialité à part entière, autonome, experte, et dédiée.
C’est un manque d’ambition global pour la jeunesse.
Un manque d’ambition pour la réussite scolaire , pour l’inclusion, pour la lutte contre le harcèlement, pour la prévention de toutes les violences, un manque d’ambition pour cette jeunesse qui mérite d’être accueillie, écoutée, conseillée, soignée, et orientée par un professionnel dûment formé.

C’est un manque manifeste d’ambition pour lutter contre les inégalités sociales et de santé à l’école. Les Assises de la santé scolaire évoquent un renforcement du pôle médical scolaire par le renforcement de l’effectivité des visites médicales obligatoires. Mais elles ne renforcent en rien la capacité de l’école à accueillir les élèves individuellement, à entendre ceux qui quittent la classe, ceux qui décrochent, ceux qui vont mal au moment où ils en ont besoin. Rien pour celles et ceux qui expriment le besoin d’être accueillis, écoutés, orientés par un professionnel de santé formé à cela. C’est précisément le rôle et la mission première des infirmières de l’Éducation nationale.
C’est également un manque d’ambition pour la lutte contre toutes les violences, dans et hors de l’école. Les infirmières sont souvent les premières à protéger les enfants, car elles sont les premières à recevoir leur parole. Grâce aux consultations libres et confidentielles qu’elles assurent, elles peuvent détecter des situations de maltraitance, adresser des signalements aux procureurs de la République, ou transmettre des informations préoccupantes aux services départementaux de
protection de l’enfance. Elles travaillent en étroite collaboration avec les assistantes sociales de l’Éducation nationale, à qui elles confient le lien de confiance qu’elles ont réussi à tisser avec les jeunes.

 

Syndicat national des infirmières conseillères de santé 46, Avenue d’Ivry 75013 Paris
Tél : 06 87 89 13 34

C’est un manque d’ambition pour la santé mentale, pourtant définie comme priorité nationale.

Le ministère envisage de former les infirmières scolaires par des pairs, à l’aide de kits pédagogiques conçus au niveau ministériel, diffusés lors des réunions départementales par les
infirmières conseillères techniques. Doit-on vraiment confier la santé mentale de nos enfants à des professionnelles formées par des supports numériques, sans interaction, sans cadre professionnel structuré, sans validation de leurs compétences par un diplôme ?
C’est aussi un manque d’ambition pour l’éducation à la sexualité, pourtant renforcée par les annonces du ministère. Les infirmières devront assurer des consultations individuelles sur ces thématiques, mais aussi participer activement à trois heures annuelles d’enseignement par niveau, de la maternelle à l’université. Mais comment seront-elles formées ? Comment garantir des interventions laïques, respectueuses et confidentielles, en l’absence totale de formation professionnelle et interprofessionnelle structurée ?

Depuis 2009, le diplôme d’État infirmier ne comprend plus aucun module spécifique sur la pédiatrie ou la santé de l’enfant. Et la refonte du diplôme prévue pour 2026 ne prévoit pas leur réintégration.
Pire encore, l’actuel ministre de la Santé propose de supprimer le concours d’entrée dans l’Éducation nationale pour «faciliter la mobilité» des infirmières. Il déclare même que certaines, épuisées par d’autres services, pourraient «trouver du repos» dans les infirmeries scolaires.
Mais alors, quelle garantie pour les élèves et leurs familles ? Peut-on sérieusement envisager de confier la santé de nos enfants à des professionnels exténués, non formés aux enjeux spécifiques de l’adolescence, de la confidentialité, du repérage, du soin individualisé en milieu scolaire ?

Aujourd’hui, 70 % des infirmières dans le monde sont en situation de burn-out selon l’OMS, et 66 % des infirmières scolaires envisagent de quitter l’Éducation nationale en France. Est-ce là l’ambition que nous avons pour la jeunesse ?
Notre profession est pourtant au cœur de vos préoccupations, au croisement de celles du Président de la République : l’école et la santé. Alors, Monsieur le Ministre, pourquoi faire de l’infirmerie scolaire une voie de garage pour des professionnelles fatiguées d’autres services ?
Cette loi, qui entend reconnaître et renforcer la capacité des infirmières à agir dans le système de santé, va-t-elle en exclure les infirmières scolaires ?
L’infirmerie scolaire est un maillon essentiel du système de santé. Elle intervient en amont du champ curatif. Elle incarne la prévention, l’éducation à la santé, la capacité de l’école à émanciper et à préparer l’avenir.

Écouter, évaluer, éduquer, agir, transmettre des connaissances : tout cela n’est pas inné pour les 96 % de femmes qui exercent dans ces fonctions. C’est le fruit d’une formation, d’une expertise professionnelle construite et approfondie par l’expérience.
Quelle méprise, quelle arrogance, de prétendre que “personne ne souhaite cette spécialité”
Quel mépris démocratique, quel mépris pour le dialogue social et le respect des organisations nationales représentatives, lorsque vous n’auditionnez pas — malgré nos multiples relances — les organisations représentatives des infirmières de l’Éducation nationale.
Et que, dans le même temps, vous choisissez d’auditionner une société savante fraîchement constituée, alignée avec vos orientations politiques et validant vos projets.
Il est faux de prétendre que les infirmières en pratique avancée (IPA) constituent une réponse à notre revendication. Vous le savez.
Neuf infirmières sur dix ne souhaitent pas de délégation de tâches médicales. En réponse aux besoins des élèves, ce qu’elles demandent, depuis 1993, c’est la reconnaissance d’une spécialité infirmière propre à l’Éducation nationale.
Une demande largement soutenue par la communauté scolaire, par les familles, et par l’ensemble de la profession infirmière, qui nous a publiquement exprimé son soutien ces dernières semaines.
C’est une demande de justice. Une demande de justice pour les infirmières.
Pour celles que vous avez applaudies durant le COVID.
Pour celles qui ont maintenu les écoles ouvertes quand tout s’arrêtait autour.
Pour celles qui, malgré les difficultés, malgré le manque de moyens, accueillent chaque jour les élèves, quelles que soient leurs demandes, leur état, leur douleur, leur silence.
Vous avez salué, à de multiples reprises, notre engagement.
Et aujourd’hui, vous proposez — par le retrait de l’article 1-4-A — de nous laisser sans formation adaptée, sans qualification reconnue, sans juste reconnaissance de nos pratiques et de nos responsabilités.
Les infirmières scolaires ne demandent ni privilège ni faveur. Elles demandent simplement la reconnaissance de leur pratique, de leur expertise, de leur engagement.
À la veille de cette CMP, nous en appelons solennellement à la responsabilité des parlementaires :
✅ Pour ne pas effacer une avancée démocratique majeure votée au Sénat ;
✅ Pour ne pas ignorer la voix des jeunes, des familles, des équipes éducatives ;
✅ Pour affirmer enfin une politique de santé ambitieuse, cohérente et digne pour les enfants et les adolescents.
L’avenir se prépare dès aujourd’hui.
Reconnaître la spécialité infirmière en milieu scolaire, c’est faire le choix de la justice et de la protection pour notre jeunesse.
Ce mépris renforce notre détermination à obtenir justice et légitime reconnaissance, les infirmières de l’Éducation nationale se réuniront à Paris et manifesteront dans la rue le 10 juin.
Elles ne renonceront pas à servir dignement les élèves. Nous ne tournerons pas le dos aux élèves. Nous ne les abandonnerons pas au moment où ils en ont besoin.

À l’heure des grands discours sur l’égalité entre les femmes et les hommes, à l’heure des déclarations d’intention, il est temps de passer aux actes.

Paris, le 2 juin 2025

 

Saphia Guereschi
Secrétaire générale du SNICS-FSU Contact Presse : 06 87 89 13 34